Votre navigateur est obsolète. Veuillez le mettre à jour avec la dernière version ou passer à un autre navigateur comme ChromeSafariFirefox ou Edge pour éviter les failles de sécurité et garantir les meilleures performances possibles.

Passer au contenu principal

Exposition collectiveL’art entre en matière à Assens

Habituellement, l’Espace culturel d’Assens propose trois expositions par année. En 2020, seule «Ruines et pixels» a pu exister, avec treize artistes à l’affiche jusqu’au dimanche 27 septembre.

Bien trouvé! Sur le papier, «Ruines et pixels», titre sibyllin d’une exposition qui vit jusqu’à dimanche à l’Espace culturel d’Assens, vient chatouiller la curiosité. Que cache-t-il? Quelles promesses? Avec ce grand écart entre la ruine, incarnation du sublime terrible chez les romantiques ou précieux vestige d’un temps révolu et… le pixel, cette unité arrivée dans notre vocabulaire en même temps que le téléviseur. Dans les faits, ce titre chapeaute le seul événement rescapé du programme 2020 – peut-être même le dernier (lire ci-dessous). Une exposition qui s’est donné un sens en se construisant, comme souvent à Assens, avec les artistes.

«Le rapport avec la technique est souvent compliqué, on le laisse de côté, alors que c’est un moment intéressant. Celui où l’artiste prouve qu’il sait faire»

Clotilde Wuthrich, cocuratrice de «Ruines et pixels»

Cette fois, il y en a une dizaine. Des céramistes. Des photographes. Autant de plasticiens qui soignent le savoir-faire, curieux de la matière, de ses possibles comme de ses actes de résistance. Il y a Agathe Naito avec des formes ramenées à une esthétique de l’essentiel. Seraient-ce des corps? Des formes de la nature? Tout simplement des apparences? Il y a aussi cette corde enroulée au sol, signe de fermeté, de tyrannie, d’assurance. Ou alors ready-made autant que faux-semblant: Maude Schneider ayant travaillé la céramique.

Il y a encore les écritures photographiques de David Gagnebin-de Bons, à la fois illusions proches du suprématisme de Malevitch et traces de la texture victorieuse de la lumière qui l’emporte sur l’ombre. «Avec Michèle Rochat, nous avions envie de parler de céramique, une technique qui se fait sa place dans les expositions d’art contemporain. Tout en faisant le choix, poursuit Clotilde Wuthrich, de ne pas dissocier l’artiste qui pense et sa main qui façonne. Et la photographie s’est invitée tout naturellement. Le rapport avec la technique est souvent compliqué, on le laisse de côté, alors que c’est un moment intéressant. Celui où l’artiste prouve qu’il sait faire.»

Agathe Naito et ses formes en grès émaillé empruntées à la nature ou au corps humain, mais qui se libèrent de toutes les attaches une fois dans l’espace.

Attention! Que ceux qui craignent une leçon rébarbative se ravisent, la théorie n’a pas cours sous les poutres de la grange d’Assens, seul le ressenti occupe toute sa hauteur. Appelé à faire des liens – ou pas – entre ce qui sort d’un four ou d’un boîtier, à sonder la chimie entre les gestes des uns et le faire des autres. Des objets, des œuvres, des installations. Des affirmations bidimensionnelles ou des prises d’espace tridimensionnelles. Ces volumes rectangulaires, constructions de couleurs différentes, de tailles diverses, dressés par Valérie Alonso comme autant de gratte-ciel dans le skyline d’une mégapole ou cette «Vénus de Milo» sortie d’une base de données photographiques par Catherine Leutenegger et remodelée avec une question: «Au fil des siècles à venir, les données seront-elles plus pérennes que le marbre ou seront-elles vouées inexorablement à une nouvelle forme de ruine, la corruption digitale?» Le titre de l’exposition «Ruines et pixels» résonne! Incarné.

Une esthétique du lâcher-prise

Mémorielle, l’image s’efface avec le temps: la ruine. Artificielle, elle se fabrique: le pixel. En fait, il n’y a pas de grand écart, pas d’anthologie de la représentation et encore moins de divagations intellectuelles, c’est l’envie d’exister de l’image qui se décline ici, débridée. «Céramique, photographie, ce sont des médiums extrêmement technicisés, reprend Clotilde Wuthrich. En plus de devoir déléguer à la machine, l’artiste doit prouver qu’il sait faire avant de se débarrasser de ce qu’il a appris pour entrer dans une démarche artistique. Libre d’accepter le ratage, la défaillance électronique ou même le trou de mémoire comme Yusuké J. Offhause, qui reproduit des architectures connues d’après ses souvenirs. On est dans une esthétique du lâcher-prise: elle est très présente dans cette exposition.»

Valérie Alonso: «Index de l’absence», une suite de parallélépipèdes en céramique multipliant les versions d’une même forme.

Assens, Espace culturel
Ve-sa-di, jusqu’au 27 sept. (14-18 h)
www.espaceculturel.ch