Sur France 3, “L’heure D”, une oasis documentaire

Des documentaires de société personnels et sensibles en veux-tu en voilà sur France 3. C’est dans “L’heure D”, tous les mercredis soir de l’été. Un programme rafraîchissant, aux audiences honorables malgré l’heure tardive… Qu’on aimerait prolonger toute l’année.

Par François Ekchajzer

Publié le 16 juillet 2020 à 22h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 00h17

Dans le désert des programmes de l’été, L’heure D a tout d’une oasis inespérée, d’un point d’eau salutaire pour les amateurs de documentaires. Depuis 2016, ce rendez-vous annuel de France 3 sort le service public de sa torpeur les mercredis de juillet et d’août, en proposant des inédits portés par des regards d’une grande sensibilité. Des films de société initiés ou accompagnés par les antennes régionales de France Télévisions, qui s’intéressent à des employés des services funéraires de la Ville de Paris (Des morts entre les mains), au secret d’un père défunt, qui aurait engendré une fille illégitime en Afrique du Nord (L’Inconnue du Maghreb) ou à un gynécologue-obstrétricien bordelais désappointé à l’heure de prendre sa retraite (Papa s’en va). Dix-huit documentaires engagés et suivis avec enthousiasme par la chargée de programmes Florence Jammot.

Le point commun de ces films, outre leur grande diversité de styles et de tons ? « La belle humanité qui s’y fait jour, autant chez les femmes et les hommes qu’on y découvre, qu’à travers l’art de celles et ceux qui les filment », explique-t-elle. La création documentaire ne saurait se confondre pour elle avec l’idée de « traiter un sujet ». « Que l’on me propose quelque chose sur la maladie mentale, je réponds que ça ne m’intéresse pas. Seuls le regard et la délicatesse de Bertrand de Solliers et Paule Muxel m’ont convaincue d’aller sur Urgences psychiatriques. Ce que je veux, ce sont des films – pas des sujets. »

Les films de L’heure D portent ainsi la voix du cinéma du réel, loin des préoccupations journalistiques et des standards télévisuels. En témoigne par exemple cette Terre du milieu, de Juliette Guignard, diffusée le 29 juillet, dans lequel une jeune femme mène une vie paysanne exigeante, en accord avec ses convictions. Si Camille y est de toutes les séquences, avec les animaux de sa petite exploitation comme avec ses enfants, le film passe sous silence ses origines et les raisons qui l’ont conduites dans la Creuse. Il ne dit absolument rien des pères de ses trois enfants. « N’importe qui aurait demandé à Juliette de fournir au spectateur quelques indications, souligne Florence Jammot. Je ne veux pas de ça. Pourquoi devrions-nous savoir ce dont Camille ne parle pas ? En quoi cela nous regarde-t-il ? Ce qui m’importe, c’est l’humanité des instants de vie. »

Urgences psychiatriques, de Bertrand de Solliers et Paule Muxel, programmé en août dans L’Heure D. 

Urgences psychiatriques, de Bertrand de Solliers et Paule Muxel, programmé en août dans L’Heure D.  © BFILM

Un demi-million de téléspectateurs

Libérés de l’obligation de surligner le moindre événement ou la moindre intention, de tout expliciter, de recourir au commentaire pour indiquer au spectateur ce qu’il lui faut penser, les films de L’heure D ne sont pas pour autant condamnés à de frêles audiences. Mis à l’antenne le 1er juillet, Des morts entre les mains a réuni un demi-million de téléspectateurs, auxquels s’ajoutent les 100 000 qui l’ont rattrapé en replay. Le 8 juillet, Papa s’en va a été suivi par plus de 400 000 personnes. Des scores importants, compte tenu d’horaires de diffusion s’échelonnant entre 23 heures et minuit passé.

Du fait de leur qualité comme de leur aptitude à toucher un public conséquent, ces œuvres singulières gagneraient évidemment à être un peu mieux exposés. En arrivant plus tôt dans la soirée, voire en débordant de l’été pour se répartir tout au long de l’année. La présence et le rayonnement des documentaires de création sur France 3 en bénéficieraient grandement.

Dans un communiqué de presse annonçant la cinquième saison de L’heure D, France Télévisions qualifie la case d’« espace de liberté » et signale les nombreux premiers films qu’elle engage, favorisant l’émergence de nouveaux talents. Ajoutez à cela la variété des écritures qu’on y trouve et les nombreuses réalisatrices qui y exposent leur talent… Plutôt qu’une simple oasis, L’heure D donne une idée de ce que pourrait être une politique éditoriale soucieuse d’appliquer à l’intégralité de l’offre documentaire ces exigences de création et de renouvellement des auteurs qu’on est en droit d’attendre de France Télévisions.

À voir
L’heure D, tout l’été, les mercredis à 23h15 sur France 3 et en replay ici.

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